Solange

Extrait : A la fin des années 90, Estelle fit des régressions dans le temps. Lors d’une séance, elle réveilla en elle Solange, la jeune femme qu’elle était au XVIIe siècle en Nouvelle-France(1).

À l’époque, Estelle qui se prénommait Solange était mariée à un écrivain. 

Très impressionnée, sa mère qui assista aux séances les raconte ainsi :

Sous hypnose, Estelle, mon enfant de cette présente incarnation, réveilla en elle la conscience de Solange, la maman disparue trop tôt de Carole et Serge, au XVIIe siècle. L’histoire se passait en Nouvelle France. D’après les indications fournies par ma fille, que l’hypnotiseur interrogea pendant la séance, l’histoire de Solange et de sa fille Carole semblait dater de la guerre d’Indépendance. Guerre que les Anglais, qui tentaient de s’implanter au Canada, avaient livrée à la colonie française, à laquelle elles semblaient appartenir.        

À l’extérieur d’une maisonnette en bois située en pleine forêt, Solange surveillait Carole et Serge, ses deux petits qui jouaient à proximité.

Allongée les yeux clos sur le canapé, ma fille répondait par des mots brefs aux questions de l’hypnotiseur.

Où est votre mari ?

– Dans la maison.

– Quel métier exerce-t-il ?

– Écrivain.

En prononçant ce dernier mot dans un souffle, le visage d’Estelle qui s’assombrit fit apparaître une immense tristesse. Physiquement, c’était mon enfant qui était allongée sur le sofa face à moi. Mais ce que je lisais sur son visage soudain défait, ne lui appartenait pas. En prenant subitement conscience que sa tristesse était celle d’une certaine Solange d’un autre temps, je fus parcourue de frissons.

À travers ma fille, cette Solange d’autrefois nous donnait la preuve que l’esprit ne meurt jamais. Impression étrange que celle de voir très distinctement, en ma fille, la femme qu’elle avait été quatre siècles auparavant. Mon enfant, le sang de mon sang, de laquelle je croyais tout connaître, me livrait qu’en elle était enfouie une histoire qui m’était totalement étrangère !

L’hypnotiseur remarqua qu’Estelle n’arrivait pas à contrôler les émotions qui l’imprégnaient et qui remontaient du plus profond de son être pour lui parler.

– Pouvez-vous expliquer ce qui ne va pas ? – Il ne fait que ça.

– Il ne fait que ça, quoi ? Écrire ?

– Oui.

– Pourquoi êtes-vous triste ?

La pièce dans laquelle le mari de Solange passait son temps à écrire était éclairée de façon rudimentaire. Nous ne pûmes savoir si l’écriture était une passion pour son époux ou s’il l’utilisait pour faire vivre sa famille ! Cependant, il ne faisait aucun doute que Solange se soit profondément sentie délaissée, pour que son mal être soit encore aussi puissamment consigné dans son souvenir émotionnel.

Son comportement agité me convainquit. Elle était vraiment la mémoire de Solange, cette autre partie d’elle en train de se manifester pour la libérer d’un traumatisme émotionnel inconscient enfoui en elle.

Pour l’apaiser, le magnétiseur lui expliqua qu’elle n’avait rien à craindre parce qu’elle n’était plus l’actrice, mais la spectatrice d’un film qui remontait à la surface et dans lequel elle était uniquement impliquée émotionnellement.

– Souhaitez-vous continuer ou voulez-vous que je vous ramène ?

Malgré la peur qui semblait la torturer, Estelle manifesta son désir de continuer.

– Mes enfants, mes enfants !

– Est-ce qu’un danger menace vos enfants ?  

– Y’a un loup !

Estelle était de plus en plus agitée. Pour lui suggérer de passer à un autre moment de la vie de Solange du bout du doigt, le magnétiseur lui donna une petite tape sur le front. D’emblée, elle s’apaisa, mais… 

La tristesse de cette Solange qui ressurgissait du plus profond d’elle-même était de nouveau visible sur le beau visage au teint laiteux de la jeune fille du présent.

Après la séance, elle raconta que son mari, ou plus exactement celui de Solange, écrivait à la plume d’oie dans une pièce entièrement meublée de bois et éclairée par une bougie. Solange en voulait visiblement à son époux de délaisser femme et enfants pour s’adonner exclusivement à l’écriture.

À l’époque des séances, Estelle habitait encore chez moi. Curieusement, nous revivions le même style de situation. L’esprit de Solange raconta qu’elle se sentait délaissée par son mari alors que, réincarnée en Estelle, elle était cette fois, en quelque sorte, délaissée par sa maman puisque l’écriture occupait tout mon temps. Son témoignage me parut d’autant plus authentique qu’il n’avait pu être influencé par une quelconque lecture. Estelle ne lisait pas !

De nouveau allongée sur le sofa du magnétiseur quelques semaines plus tard, elle revécut, en tant que spectatrice, la douleur de Carole, son enfant d’une autre vie. La scène de l’histoire de son âme se déroulait quelques jours après sa mort en tant que Solange.

Ce jour-là, Estelle vécut, émotionnellement, une séance extrêmement difficile ! Carole, son enfant d’auparavant, était devenue une jolie jeune fille qu’elle voyait d’en haut.

Assise au bord d’une source, la main de Carole effleurait l’eau dans un geste lent dont Estelle était convaincue qu’il émanait d’une immense tristesse.

Ma fille que le magnétiseur « ramena » rapidement, tellement elle semblait vivre difficilement, les images et émotions qui remontaient, ne saisit pas immédiatement que Solange était morte et que c’était son âme qui assistait, impuissante, à la déchirante souffrance de Carole, sa fille.

Le 10 mai 2010, l’histoire de Solange renvoya Estelle à une autre histoire de Solange dans sa vie présente.

Nous étions à la sainte Solange qui signifie « solennel » et de ce fait, au jour de l’anniversaire de Léna, son amie depuis la maternelle. Trente-deux ans d’une belle amitié soudainement rompue, l’été dernier, par une promesse solennelle dont Estelle pensait qu’elle n’avait pas été respectée. Elles faisaient le même métier, avaient chacune deux enfants. Toutes les deux avaient des repères symboliques relatifs aux fleurs dans leur histoire familiale réciproque.

Chez l’amie de maternelle, les fleurs apparaissent dans les prénoms de Jasmin, son frère, et de Rose, sa mère. Chez Estelle, elles sont majoritairement cachées derrière des dates.

Sans l’avoir calculé à l’avance, elle baptisa ses filles civilement à la sainte Flora et religieusement à la sainte Fleur. Le baptême religieux avait été prévu pour la saint Marcellin, mais la salle des fêtes n’étant pas disponible, il fut repoussé au 5 octobre, date de l’anniversaire de son grand-père. Estelle ne l’ayant pas connu, ne connaissait pas son jour de naissance.

Bref, ado, Estelle avait fait la promesse solennelle à son amie Léna qu’elle et Guy, son oncle, seraient ses témoins le jour de son mariage. Du coup, elle s’était imaginée que son amie Léna ferait pareil si elle se mariait la première. C’est Léna qui se maria effectivement la première, mais elle choisit le cousin de son futur mari comme témoin de mariage. Se sentant rejetée, Estelle refusa d’assister à la cérémonie de mariage de son amie.

Coïncidences :

Léna est née à la sainte Solange.

Estelle a été Solange au XVIIe siècle.

Les deux amies de maternelle se seraient-elles déjà côtoyées au XVIIe siècle ?

Leurs histoires actuelles sont vraisemblablement liées par-delà l’espace-temps depuis bien plus longtemps qu’elles ne le croient ?! 

[1] Colonie (vice-royauté du royaume de France), située en Amérique du Nord, de 1534 à 1763, dont la capitale était Québec COMMANDER 

             

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