C’est ma psy qui m’a conseillé de vous écrire (aux parents de personnes anorexique notamment des jeunes filles).

Parce que j’ai une psy, oui ! Ce n’est pas moi la malade dans la famille, mais j’ai bien besoin de soutien. Car saviez-vous que les proches, (on les appelle les aidants depuis peu, c’est plus joli…) ont sacrément besoin de coup de main ? Ou coup de pouce d’ailleurs ! 

Donc ma psy m’a dit « Vous pourriez écrire une lettre sur cette colère ? Une lettre qui pourrait servir aux autres parents ? ». 

En vrai, je ne sais pas si j’ai envie d’écrire aux autres parents ou aux personnels soignants… 

Donc, j’ouvre une belle page blanche et je vais vous partager ce qui m’agace depuis deux ans. Deux ans, c’est le démarrage officiel de la maladie de ma fille. Celle-ci a alors 16 ans et plonge dans l’anorexie mentale. 

Chance ou pas, (on me dira d’ailleurs très souvent que j’ai eu de la chance de prendre la maladie au démarrage), on a eu une écoute assez rapide. Cela signifie donc que certains ne sont pas alertés rapidement et que personne ne les soutient (je parle de professionnels de la santé). 

Ma colère prend racine ici. Juste ici. L’information… Comment comprendre ? Comment réagir ?

Très vite, les parents sont mis de côté, parce que dans l’imaginaire collectif ce sont les parents les responsables de la maladie. Là commence l’enfer. Vous êtes démunis face à la souffrance de votre enfant et on vous fait culpabiliser. 

A aucun moment, je n’ai reçu de soutien personnel de la part des médecins. Ni aucun conseil, ni même des noms d’associations. J’ai dû tout découvrir par moi-même. Que ma fille pouvait bénéficier de l’ALD (pratique pour les avances de frais et certains trajets…), que je pouvais avoir un congé enfant malade (cela m’aurait permis d’éviter la surchauffe), que cette maladie allait durer longtemps… et bien d’autres choses encore. 

A 16 ans, on demande aux parents de sortir des consultations. Je me souviens d’un entretien ubuesque avec une assistante sociale lors de la première hospitalisation de ma fille. Des questions, beaucoup de questions, aucun conseil, aucun relais extérieur.

Des questions mais pas de clés de compréhension. On déballe durant deux heures notre vie et on nous dit « Ce sera la seule fois où on vous écoutera sans votre fille ». Donc, nous qui vivons avec depuis 16 ans, nous n’avons pas le droit d’avoir des idées, des pistes pour travailler la maladie et donc la guérison ? Nous devenons « incapables ». Et cela sera toujours comme cela… 

C’est plutôt très bête… J’ai de nombreuses histoires pour éclairer les médecins, mais lorsque je m’aventure à les partager, on me demande de me taire ou on ne les écoute pas. Je ne suis pas le thérapeute de ma fille, c’est un fait. Mais je suis sa mère et je connais un peu notre existence. 

Tout au long de la maladie, j’ai dû découvrir par moi-même tout ce qui traversait la vie de ma fille, aller chercher des infos sur internet, dans des lectures, dans des forums d’entraide. Aucun professionnel n’a pris les devants pour me dire « Asseyez-vous Madame, je vais vous expliquer ce qui se passe et ce qui risque de se passer ».

On parle d’approche systémique partout dans notre société mais pas dans l’approche thérapeutique classique et encore moins en psychiatrie. On infantilise les malades, leurs proches. On sédate, on enferme. Et lorsque le périmètre du professionnel est touché, alors on se retrouve à devoir se débrouiller seul.

On repart chercher d’autres médecins, d’autres spécialités. Sans lien, sans soutien. Le médecin généraliste fatigue, il ne connait rien à la psychiatrie, enfin pas grand-chose. Il suit les recommandations, n’explore rien d’autre. Pas le temps. Et j’ai de la chance… Je possède les capacités pour chercher, pour trouver et pour payer. Rien n’est gratuit.

C’est ma deuxième colère. L’accès aux soins. Quelques séances de psychologue prises en charge par la mutuelle (5 par an), ma fille en a besoin d’une par semaine. Le CMP ? 3 à 4 mois d’attente. Un suivi par un psychiatre en externe ? Aucun rdv de disponible autour de chez nous (On habite pourtant une très grande ville…). Je pourrais en écrire un livre mais ce n’est pas intéressant.

Dans cette lettre ouverte, je voudrais alerter les parents : ne vous laissez pas faire ! Vous êtes experts de votre vie, votre enfant a son mot à dire et vous aussi. Nous avons refusé des protocoles qui semblaient inadaptés et qui ne fournissent aucun résultat probant. Et on a eu raison ! C’est difficile de se révolter. C’est douloureux de voir son enfant souffrir.

N’acceptez pas tous les soins sous prétexte qu’il n’en n’existe pas d’autre. Entourez-vous, communiquez avec d’autres parents, renseignez-vous ! Je voudrais également dire aux professionnels de santé qu’ils gagneraient en incluant les parents dans les chemins thérapeutiques de nos enfants. On ne guérit jamais seul. Certains vont me demander pour quelles raisons je consulte un psychologue… Certainement pour parvenir plus facilement à la résilience, pour trouver du sens où il ne semble pas y en avoir. Je m’offre ce luxe. Au détriment d’autres choses et je suis pleinement consciente que je suis en capacité de faire ce choix.

On m’a suggéré de monter une association mais en toute franchise j’ai d’autres objectifs que de devenir une pro des parcours de soins spécialisés TCA (troubles du comportement alimentaire). Peut-être que je publierai un guide pratique pour les parents (il est déjà en gestation !)

Bref, cette lettre est pour les parents ou pour les soignants ? C’est un peu le bordel mais après tout, c’est bien ce qui se passe dans nos vies lorsque la maladie s’incruste. Nous sommes tous otages, malades et parents.

Alors, vous les professionnels du soin, regardez-nous ! Écoutez ce que l’on a besoin de dire, prenez 5 minutes de plus pour les proches, communiquez-nous les bonnes informations ! Portez un regard bienveillant avec celles et ceux qui vivent le quotidien, qui ne peuvent pas se plaindre parce qu’ils sont bien-portants ! Aidez-les à le rester !

En prenant soin de l’entourage, vous permettrez à vos patients de mieux guérir, plus vite peut-être ou pas, mais certainement plus durablement.

Une maman qui a besoin de plus d’humanité dans les relations.

Laurence

Email : laurenceducos@gmail.com 

#TCA #anorexiemoncombat #aidantsfamiliaux

 

Cette publication a un commentaire

  1. Oughlis

    Votre histoire résonne comme la mienne. Le monde est plein de têtes pensantes mais pas de têtes accompagnant es.

Laisser un commentaire